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JUSTICE ET DROITS DE L'HOMME à MADAGASCAR
31 janvier 2012

REVUE DE PRESSE - JANVIER 2012

L’actualité du mois de janvier a été marquée par la tentative avortée de retour de Marc Ravalomanana. Dès le début du mois, la mouvance a expliqué que l’ancien président n'avait pas besoin d'une mesure législative d'amnistie et que son retour ne dépendait que d'une décision politique, en application de la feuille de route qui stipule le retour sans condition de tous les exilés. Le "Notam" le concernant avait été levé fin décembre. Le président du Congrès, Mamy Rakotoarivelo, a affirmé une nouvelle fois que ce retour était imminent et que la date avait été soumise aux représentants de la SADC. L’armée a fait part de son « inquiétude », en raison des risques de débordements incontrôlables, mais elle a affirmé ne pas vouloir émettre de véto à un retour qui serait décidé par les politiques. Lors de la cérémonie des vœux présidentiels, Mamy Rakotoarivelo, représentant la mouvance Ravalomanana, a confirmé que la date avait été arrêtée et communiquée à Marius Fransman, représentant la Troïka de la SADC. Les formations politiques proches du pouvoir ont alors rappelé que l’ancien président devrait répondre de ses actes devant la justice et le général Richard Ravalomanana, commandant de la gendarmerie, a indiqué que ses troupes se tenaient prêtes à procéder à son arrestation. Le pouvoir s’est livré à une série d’exercices très médiatisés à l’aéroport d’Ivato « afin de parer à d’éventuelles incursions étrangères ou à l’atterrissage d’appareils indésirables pouvant porter atteinte à la sûreté de l’État ». L’annonce de la date du retour, fixée au 21 janvier, a tout d’abord suscité l’incrédulité des observateurs mais elle a été prise très au sérieux par les forces de l’ordre qui ont déployé un important dispositif pour prévenir tout débordement à l’aéroport de la capitale. Elle a provoqué une grande nervosité dans les allées du pouvoir et une réelle inquiétude dans l’opinion publique. Chaque camp a mobilisé ses troupes pour faire étalage de ses forces lors du débarquement. L'association des victimes du 7 février (AV7) s’est déclarée prête à en découdre avec les pro-Ravalomanana. En cas d’arrestation, Mamy Rakotoarivelo a menacé du retrait de sa mouvance du processus de sortie de crise. « Nous estimons que l’arrestation de Marc Ravalomanana est illégale et illégitime », a-t-il fait savoir, mettant en outre en avant le cas de Didier Ratsiraka, autorisé à rentrer au pays, ou encore le cas de certaines personnalités rentrées d’exil sans encombre et ayant accédé à de hautes fonctions dans la Transition. Un culte a été organisé par la FJKM pour le retour de celui qui est encore son vice-président laïc, « afin qu'il puisse poursuivre l'accomplissement de sa mission confessionnelle » et un appel à mobilisation pour l’accueillir a été lancé en présence du président de la FJKM, le pasteur Lala Rasendrahasina. Didier Ratsiraka, redoutant l’exécution du mandat d’arrêt et les risques d’affrontements, a conseillé à Marc Ravalomanana de retarder son retour et d’attendre la convocation du FFKM à la conférence au sommet qu’il appel de ses vœux. A l’annonce de ce retour, les États-Unis ont adressé de nouvelles mises en garde au régime.

Alors que le vol régulier de la compagnie sud-africaine était en phase d’approche, les autorités ont interdit l'espace aérien du pays à l'ancien président, contraint de regagner Johannesburg, son point de départ. Ses partisans, qui l'attendaient par milliers à l'aéroport, ont en conséquence annoncé qu'ils suspendaient leur participation aux institutions de la transition. Le "Notam" a été pris par Andry Rajoelina, sans concertation avec le premier ministre et le gouvernement, apportant la preuve de dysfonctionnements au sein du régime et mettant en évidence la situation inconfortable du « premier ministre de consensus ». De retour à Johannesburg, l’ancien président a mis plus de deux heures pour quitter l’appareil, exigeant des garanties du gouvernement sud-africain, arguant que les autorités de Pretoria ne l’avaient pas invité à revenir et que sa sécurité n’était plus assurée. Il a pu s’en entretenir au téléphone avec Marius Fransman, vice-ministre sud-africain de la Coopération internationale et le président sud-africain Jacob Zuma, qui se serait dit disposé à faire pression sur le régime lors du sommet de l’UA à Addis-Abeba qui doit se tenir à la fin du mois. Les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre a proximité d’Ivato ont fait un mort et 7 blessés. Dans un communiqué, la présidence a affirmé que face aux risques de troubles à l’aéroport de la capitale, il avait été demandé à la compagnie Air Link d’atterrir à Morondava pour permettre à la police judiciaire d’exécuter le mandat d’arrêt et pour attendre que la situation s’apaise aux abord de l’aéroport d’Ivato où devaient débarquer les autres passagers. La compagnie a rejeté cette version des faits et affirmé que cet aéroport n’est pas habilité à recevoir des appareils déroutés. Gilbert Raharizatovo, ancien ministre de la Communication de la HAT, a qualifié « d’improvisation dangereuse » la décision du pouvoir de fermer les aéroports de Madagascar à 10 mn de l’atterrissage. Madagate, site pro-HAT, a rappelé qu’en 2006 Pierrot Rajaonarivelo avait subi semblable mésaventure sur l’aéroport de Toamasina. De la part du régime Ravalomanana ! L’ex-commissaire européen au Développement et à l'Aide humanitaire, co-président de l’assemblée parlementaire ACP-UE, Louis Michel, considéré comme proche de l’ancien président, a dénoncé « le non respect de la feuille de route ». L’ambassadeur de France, Jean-Marc Châtaignier, a qualifié quant à lui le retour de Marc Ravalomanana de « retour unilatéral ».

La présidence a annoncé qu’elle souhaitait envoyer un avion spécial en Afrique du Sud pour ramener Marc Ravalomanana et le présenter à la justice. Des démarches en ce sens auraient été entreprises. Le général André Ndriarijaona, chef d’État-major général, a confié qu’une commission mixte était chargée de l’affaire, précisant que « les forces armées sont là pour aider et mettre à exécution une décision ». Le chef de la diplomatie, Pierrot Rajalonarivelo, a souligné toutefois que l’Afrique du Sud est un pays souverain et qu’il sera difficile pour les forces de l’ordre malgaches de procéder à une arrestation sur son territoire. L’Afrique du Sud n’a jamais passé aucun accord d’extradition avec la Grande Ile.

Le bloc régional a convié le président de la HAT, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, Pierrot Rajaonarivelo, les anciens présidents Marc Ravalomanana et Albert Zafy, ainsi que le chef de délégation de la mouvance Ravalomanana, Mamy Rakotoarivelo, à se rendre en Afrique du Sud en vue d’une rencontre urgente à Pretoria. Andry Rajoelina s’est fait représenter par son conseillé spécial, Norbert Lala Ratsirahonana et Annick Rajaona, directrice des relations internationales. La mouvance Ratsiraka, qui s’est abstenue de signer la feuille de route, n’était pas associée. « Marc Ravalomanana sera de retour au plus tard le 29 février sans être arrêté », a affirmé Mamy Rakotoarivelo à l'issue des pourparlers. Norbert Ratsirahonana a fait savoir au contraire que « la date du retour de Marc Ravalomanana n’a jamais été déterminée à Pretoria. La seule date convenue entre les participants était la date du 29 février, fixée comme date limite pour l’adoption de la loi d’amnistie ». Le communiqué officiel de la Troïka, publié en anglais après 48 heures, n’a pas mis fin aux interprétations divergentes, plusieurs versions de ce communiqué ont même circulé. Il en ressort que le bloc régional botte en touche dans l'affaire du retour avorté de l'ancien président et renvoie les protagonistes dos à dos, estimant que la responsabilité de l’affaire est partagée. Andry Rajoelina doute que l'échéance imposée pour l'adoption des mesures d'apaisement puisse être tenue. L'UE apporte son soutien au calendrier de la Troïka.

Le dossier Madagascar devait être examiné au sommet de l’UA qui se tient à la fin du mois à Addis-Abeba. La Grande Ile est toujours supendue de l'Organisation mais les protagonistes ont engagé sur place un intense lobbying. Marc Ravaomanana a fait le déplacement.Les mesures d’apaisement figurent parmi les dossiers poussés par sa mouvance.

 Andry Rajoelina exclut l’amnistie de Marc Ravalomanana. « Aucune nation, dans le monde, ne peut nous obliger à accorder une amnistie en faveur d’une personne qui a commis un crime de sang », a-t-il déclaré, de manière catégorique.

Le début du mois a été marqué par l'ouverture d'une seconde session extraordinaire du parlement qui fait suite au vote de « l'insertion de la feuille de route dans l'ordonnancement juridique » qui a clôturé la session ordinaire fin décembre 2011. A l'ordre du jour : l'adoption des textes régissant la CENI, ainsi que le Conseil du Fampihavanana malagasy [chargé de la réconciliation nationale]. La loi sur les partis, le statut de l'opposition ainsi que la loi électorale devaient faire l'objet de réexamen, ces textes ayant été adoptés par la précédente législature, avant l'élargissement et la recomposition du Parlement. Il devait également s’agir de répondre aux critiques formulées par l'OIF concernant les lois électorales et de résoudre les contradictions apparues entre la Constitution de la IVème République et les dispositions de la feuille de route. Suite à l’affaire du retour avorté, les travaux se sont ouverts en l’absence de l’opposition. Du fait de ce boycott, le parlement s’est retrouvé momentanément dans son ancienne configuration. Le Congrès a voté sans amendement le projet de loi portant loi sur la CENI mais n’a pas pu se saisir des autres textes. Il demande à l’exécutif la transmission des projets de loi relatifs à l’apaisement, dont la loi d’amnistie. Les parlementaires s’impatientent car l’actuelle session extraordinaire est sur le point de s’achever et les textes attendues n’ont toujours pas été transmis. Une troisième session parlementaire extraordinaire devrait être convoquée.
L’objectif d’Andry Rajoelina d’organiser un premier scrutin début mai 2012 parait compromis : le texte doit encore être adopté par le CST et revenir devant le Congrès avant promulgation. D’après le code électoral, la convocation des électeurs exige un délai de 90 jours. Le Père Alain Thierry Raharison, secrétaire général de Justice et Paix, est pessimiste quant à l’organisation d’élections en 2012. Sarah Georget Rabeharisoa demande pour sa part aux Nations Unies de prendre en charge directement dans les plus brefs délais l'organisation des élections à Madagascar. Dans la lettre qu'elle a adressée au représentant résident des Nations Unies, la présidente nationale du parti Vert déplore la lenteur du processus devant déboucher sur la tenue d'élections crédibles et elle pointe du doigt les limites de la médiation de la SADC.

Le FFKM de plus en plus sollicité pour la médiation. Des acteurs politiques souhaitent rééditer le scénario de 1991, où le Conseil œcuménique des églises, en collaboration avec le premier ministre, a joué un rôle capital pour sortir le pays de la crise. Ils se montrent réservés sur la démarche conduite actuellement sous l'égide de la SADC et aspirent à lui substituer une médiation malgacho-malgache. La mouvance Zafy agit clairement dans ce sens. Les membres de la CNOSC sont convaincus que le dialogue en question pourrait se tenir avant le 29 février, date butoir fixée par la SADC pour l’adoption des mesures d’apaisement. Le premier ministre Omer Beriziky ne serait pas opposé à cette initiative et Didier Ratsiraka compte sur le FFKM pour mener à bien son projet de conférence au sommet des chefs de file.

Suite à la « réunion d’urgence » de Pretoria, la mouvance Ravalomanana est revenue sur son annonce de boycott des institutions de la Transition. Zafy Albert quant à lui reste inflexible : il ne désignera pas de représentants. Le Parlement aura à mettre les bouchées doubles pour achever l’adopter de tous les textes annoncés avant le 29 février, délai imposé par la Troïka. Madagascar a dores et déjà raté la date butoir du 29 janvier 2012 pour plaider son dossier auprès des Nations Unies, explique la ministre des Affaires étrangères, Pierrot Rajaonarivelo. Le Parlement a mis en place un comité ad’ hoc pour suivre les modalités d'application des dispositions de la feuille de route, surtout celles dont la mise en œuvre a divisé l’opinion.

 La question de la libération des "détenus politiques" est toujours au centre des préoccupations du microcosme politique. Christine Razanamahasoa, ministre de la Justice, rappelle que la libération des détenus politiques devra respecter les procédures et être organisée dans une ambiance « paisible ».  Pour Me Hanitra Razafimanantsoa, nouvelle parlementaire représentante de la mouvance Ravalomanana, « les détenus politiques n’ont besoin ni d’amnistie, ni de grâce ». Elle exige l'application stricte de la feuille de route. Pour le premier ministre, Omer Beriziky, l’amnistie et la libération des détenus politiques sont devenues inévitables mais ne sont pas prioritaires. Il annonce qu'une liste des personnes bénéficiaires de la cessation de poursuites judiciaires sera établie par le comité ad’ hoc chargé de la mise en œuvre de la feuille de route. La famille du lieutenant-colonel Charles Andrianasoavina, détenu à la maison de force de Tsiafahy, exige qu'une enquête soit ouverte sur des faits supposés de maltraitance constatés par les médecins de l’hôpital de La Réunion où il a été transféré. L'adoption de la loi d'amnistie a été reportée par le conseil de gouvernement. « Il a été décidé que le projet de loi, portant amnistie, ne sera soumis au conseil de gouvernement qu’une fois toutes les institutions de la transition mises en place », a-t-il annoncé. Aucun calendrier précis n'a été avancé pour l'adoption du projet de loi relatif à la création du CFM (Conseil du Fampihavanana Malagasy). L'association des détenus politiques (ADPM) a fait part de son vif mécontentement.Certaines formations proches du pouvoir souhaitent accélérer le vote d’une loi d’amnistie par le Parlement, sans attendre la mise en place du CFM, contrairement aux récentes déclarations d’Andry Rajoelina. Plusieurs anciens détenus ont besoin de l’amnistie pour poursuivre leur parcours politique et ils jugent urgent d’être fixés sur leur sort.

En fin de mois, un pas dans la mise en œuvre des recommandations du comité ad hoc chargé du dossier des "détenus politiques"  a été franchi : 24 militaires incriminés dans l'affaire de la BANI ont été transférés de la maison de force de Tsiafahy à la centrale d’Antanimora et dans d’autres centrales, afin d'améliorer leurs conditions de détention. Des mises en liberté surveillée sont envisagées. Ils étaient placés sous mandat de dépôt depuis plus d'un an. 5 ont été relâchés pour" bonne conduite".

L'épreuve de force entre la Police et la Justice, suite au décès d’un magistrat à Toliara début décembre se prolonge. Le syndicat des magistrats (SMM) a adressé une lettre ouverte à la présidence pour déplorer l’attitude de l’Etat dans l’affaire de l'assassinat du substitut du procureur de la République. Le syndicat continue de réclamer la démission du ministre et contrôleur général de la police, Arsène Rakotondrazaka. 14 nouveaux policiers impliqués dans l’affaire ont été identifiés. 11 policiers sont sous mandat de dépôt, ainsi que le directeur régional de la police et le commissaire central de Toliara. Le SMM menace d'exercer son droit de retrait en raison de l'insécurité qui guette les magistrats dans l'exercice de leurs fonctions. La ministre de la Justice laisse entendre qu'un ordre de réquisition pourrait être promulgué. Les magistrats annoncent la tenue d’états généraux de la justice début février, au cours de laquelle ils entendent mettre sur la table toutes les questions qui fachent concernant l'indépendance de la justice. Le SMM envisage d’engager la responsabilité pénale d’Arsène Rakotondrazaka, ministre de la Sécurité intérieure. L’assemblée générale du syndicat a pris position en faveur d’un dépôt de plainte pour « non-assistance à personne en danger », le ministre ayant été présent à Toliara au moment du meurtre du magistrat Rehavana Michel.

SOMMAIRE

LA CRISE POLITIQUE

  • La poursuite de la mise en œuvre de la feuille de route – Refondation de la CENI
  • La question du retour de Marc Ravalomanana et des exilé
  • Les conséquences du retour avorté de Marc Ravalomanana, la transition à l’épreuve
  • Divers 

DROITS HUMAINS -GOUVERNANCE

  • « Prisonniers politiques », amnistie
  • Epreuve de force entre la Police et la Justice suite au décès d’un magistrat  
  • Médias : le pouvoir souffle le chaud et le froid
  • Liberté d'expression et de réunion
  • Droits des enfants, éducation, santé
  • Gouvernance  

ECONOMIE – SOCIAL – ENVIRONNEMENT

  • Coopération : vers un retour très progressif des bailleurs
  • Permis miniers, exploitation pétrolière, accaparement de terres
  • Trafics de bois précieux
  • Monde des affaires
  • Divers

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