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JUSTICE ET DROITS DE L'HOMME à MADAGASCAR
15 juin 2013

REVUE DE PRESSE - 1ERE QUINZAINE DE JUIN 2013

L’INBROGLIO PROVOQUE PAR LES DECISIONS CONTESTEES DE LA COUR ELECTORALE (CES)

La constatation par la CES d’un « cas de force majeure » pour justifier la demande de report de la présidentielle du 24 juillet est contestée par une partie de la classe politique, qui juge cette appréciation non fondée. Pour l’Observatoire de la vie publique (SeFaFi), l’argument du « cas de force majeure » invoqué par Andry Rajoelina, le CRM (Conseil de la réconciliation malgache), le CSC (Comité de suivi et de contrôle de la feuille de route) et les Forces armées relève de « l’arnaque politique ». Le seul obstacle au respect des échéances est « le refus évident de certains candidats de se plier à l’obligation de démissionner dans les délais prescrits ». Un « collectif des candidats », réuni à huis clos, déclare ne plus pouvoir accorder sa confiance à la Cour électorale et exige le respect du calendrier initial. Le KMF/CNOE, organisation de la société civile spécialisée dans l’observation des élections, appelle à une recomposition de la CES et à l’intégration d’observateurs nationaux et internationaux.

La présidente de la CENIT confirme qu’aucun motif technique ne justifierait selon elle un report du scrutin présidentiel, hormis le délai nécessaire à l’impression du bulletin unique si la situation actuelle devait perdurer. Elle rappelle que la fixation éventuelle d’un nouveau calendrier relève de la décision conjointe de la CENIT et des experts des Nations Unies, après décision de report prise par décret. L’universitaire Raymond Ranjeva juge illégal le maintien d’Andry Rajoelina dans ses fonctions : la date du 24 juillet arrêtée pour le scrutin présidentiel est la seule date officielle. Une requête de report dont l’issue est incertaine ne peut justifier son maintien à la tête de la Transition. Tout comme les autres candidats détenteurs d’une mission publique, il aurait dû remettre sa démission le 26 mai, deux mois avant le scrutin. L’ancien vice-président de la CIJ demande à la CES de publier une liste définitive « ne varietur » des candidats, en excluant ceux qui ont été admis en infraction aux lois en vigueur (dépôt de candidature hors délai pour Andry Rajoelina, condition de résidence de 6 mois au pays non appliquée pour les eux autres candidats).

La Nation 05 06Un « conclave de la dernière chance » a été organisé par un « quatuor » formé du CRM, du CSC, du CMDN (Commission militaire de la défense nationale) et des Forces de l’ordre. Les acteurs politiques ont été invités à venir discuter des candidatures contestées de la « bande des trois », dont la communauté internationale réclame le retrait, et du report éventuel du scrutin. Tenu à huis clos, le conclave a duré 16 heures non-stop et a été fortement encadré par les forces de l’ordre, qui seraient parvenues à imposer leur « solution ». Les initiateurs de la rencontre ont tenté d’obtenir le retrait des trois candidatures litigieuses mais les intéressés ont fait savoir qu’ils n’avaient aucune intention de renoncer. Les résolutions n’ont pas été adoptées par les mouvances Ratsiraka, Ravalomanana et Zafy. La mouvance Rajoelina les a signé mais sous réserve. La CES, destinataire des résolutions, a été sommée de publier sous 48 heures une nouvelle liste définitive des candidats et donc de revenir sur une décision qualifiée d’« irrévocable » excluant les trois candidatures litigieuses. Le cas des 109 personnalités sanctionnées en 2010 par l’UA, parmi lesquels plusieurs candidats à la présidentielle, n’aurait pas été soulevé. Les participants se sont accordés sur le maintien du calendrier électoral.

La Nation 15 05Selon la mouvance Ravalomanana, la demande d’exclusion des trois principaux candidats constitue une violation flagrante des dispositions légales. Le respect des droits civiques et politiques de l’épouse de l’ancien président, Lalao Ravalomanana, candidate à la présidentielle, est exigé. L’ancienne sénatrice pro-Ravalomanana Naika Eliane s’est exprimée à ce sujet dans l’enceinte des Nations Unies à Genève.

Didier Ratsiraka met en cause la médiation internationale dans le blocage du processus de sortie de crise. Il estime que la SADC et la communauté internationale ont une lourde responsabilité dans la décision contestée prise par la CES. Pour l’ancien président, le vrai problème du processus de sortie de crise est la feuille de route. La seule issue pour lui reste la conférence au sommet des 4 protagonistes, à l’image de la proposition que le FFKM vient à nouveau de formuler.

Des parlementaires de différentes tendances se sont insurgés, au nom de l’indépendance de la justice, contre le forcing visant à obtenir le retrait des trois candidats. Des voix se font entendre pour réclamer à l’armée de « prendre ses responsabilités ». Les forces de l’ordre déclarent « suivre de près, et au jour le jour, l’évolution de la situation nationale », elles assurent la population et les politiques qu’elles restent le garant de la sécurité et de la paix. « Nous n’avons fait qu’apporter notre contribution dans la tentative de résolution de la crise à la demande du CRM. Cependant, nous avons notre propre opinion et nous estimons que l’exclusion de ces trois candidats était la meilleure issue pour le pays », a lancé le général Ranto Rabarisoa du CMDN. Elles s’engagent à ne pas s’immiscer pas dans les affaires politiques et à se résoudre à appliquer les décisions de la CES.

LA NATION 14 06Sommée de se prononcer en urgence par les organisateurs du conclave, la CES a confirmé les trois candidatures controversées et le maintien du calendrier électoral. Les « requêtes » demandant le retrait d'Andry Rajoelina, Lalao Ravalomanana et Didier Ratsiraka ont été déclarées « irrecevables ». La décision de la CES a passé sous silence la question de la démission des candidats qui occupent un poste à responsabilité dans les institutions, notamment celle du président de la Transition et du président du CST. Peu avant l'annonce de la décision de la CES, le médiateur de la SADC, Leonardo Simao, avait affirmé que la communauté internationale « se retirerait du processus de sortie de crise » si la loi n'était pas respectée. La situation suscite les vives préoccupations de la communauté internationale, affirme-t-il. Les chefs d’Etat de la SADC devaient examiner en urgence le dossier malgache le 15 juin, après en avoir reporté deux fois la date, et ce avant la réunion du GIC prévue le 26 juin, jour de la Fête de l’indépendance, qui, pour la première fois dans l’histoire de Madagascar, sera organisée sous la seule responsabilité des forces de l’ordre. Andry Rajoelina ne devrait pas s’exprimer. D'ici là, il a encore à son programme des déplacements pour inauguration de "réalisations présidentielles".

Le conseil de gouvernement a proposé le report de la présidentielle au 23 août, en réponse à la demande de la CES qui avait estimé le 28 mai que la suspension de financements internationaux et le rejet de trois candidatures par la communauté internationale constituaient « un cas de force majeure » justifiant un report. Par ailleurs, la Cour constatait que « l'absence de solution concertée sur le cas des trois candidats est une source de conflit politique croissante ». Sur ce dernier point, la CES n’a cependant pas jugé possible de se dédire et a décidé de confirmer les trois candidatures litigieuses. D’après Florent Rakotoarisoa, ministre de l’Intérieur, dans l’hypothèse d’une confirmation du report, les candidats exerçant un mandat public et qui ont déjà déposé leur démission retrouveraient leur poste et seraient de nouveau obligés de démissionner deux mois avant. Ceux qui n’ont pas encore démissionné pourront attendre la confirmation du nouveau calendrier, ce qui est le cas du président de la Transition qui s’est abrité derrière cette incertitude de calendrier provoquée pour le pas déposer sa démission. La CENIT regrette de ne pas avoir été consultée par le gouvernement et rappelle qu’elle demeure la seule autorité habilitée à fixer la date des élections. Sa présidente, Béatrice Atallah, a fait le déplacement à Maputo pour y rencontrer la SADC et tenter de sauver son calendrier. Florent Rakotoarisoa conteste à la CENIT le pouvoir de décision en cas de report mais il convient de la nécessité de se concerter avec elle. Le premier ministre Omer Beriziky a confirmé qu’il ne signera pas une décision de report qui empièterait sur le rôle de la CENIT. L’ambassade des Etats-Unis prévient : « Une action ou pression par Andry Rajoelina de changer les dates serait une violation flagrante de l'accord que lui-même avait signé [en janvier, sous l’égide de la SADC, dans le cadre du « ni…ni » imposant aux deux principaux protagonistes de renoncer à la présidentielle] ».

Divergences persistantes au sein de l'exécutif sur le report de la présidentielle. Plusieurs conseils de gouvernement se sont tenus sans pouvoir arrêter une position claire sur le report du scrutin présidentiel. Des ministres réputés proches d’Andry Rajoelina entendaient exiger du premier ministre qu’il signe le projet de décret entérinant le report. Il lui a été reproché d’avoir fait machine arrière sous la pression de la communauté internationale. Le gouvernement ne parvenant pas à trouver un consensus, il a été décidé de saisir la HCC pour vérification de conformité constitutionnelle d’un tel projet. La HCC a finalement donné raison à la CENIT et mis fin aux tergiversations concernant l’autorité compétente pour fixer la date de la présidentielle. Selon la juridiction, le gouvernement doit se limiter à décréter le report du scrutin. La HCC précise que la « date fixée par la CENIT doit [ensuite] être entérinée par le décret pris en conseil des ministres ». Le conseil du gouvernement a pris acte de l’avis et a décidé de signer le décret de report. Reste à savoir si les Nations Unies accepteront de collaborer avec la CENIT en vue de la détermination d’un nouveau calendrier, sachant que les trois candidatures litigieuses sont maintenues.

Les autorités françaises ont abrogé les visas d’Andry Rajoelina et de son épouse qui projetait de se rendre en France avec ses enfants. Lalao Ravalomanana et Didier Ratsiraka ne devraient plus pouvoir obtenir de visa en cas de demande. La mesure s'étend à leur famille respective. La communauté internationale « se trouve sur une même longueur d'ondes » que la France pour durcir le ton, indique une source diplomatique. Quatre autres candidats seraient dans le collimateur de la communauté internationale pour non-respect de la condition des 6 mois de présence au pays. La décision du Quai d’Orsay est un signal fort lancé par la France, longtemps accusée de soutenir discrètement Andry Rajoelina, estime-t-on. Si l’on se réfère aux déclarations de l’ambassadeur d’Allemagne, de nouvelles sanctions seront prises et pourraient être étendues aux biens et avoirs des personnalités ciblées. Paris ne reconnaîtra pas l'élection si les candidats contestés se maintiennent, déclare le ministère français des Affaires étrangères. La France « suit avec inquiétude et déception les derniers développements politiques à Madagascar » et sera représentée à la réunion du GIC, le 26 juin, à Addis-Abeba.

« La communauté internationale va-t-elle dicter la manière de gouverner le pays ? », s’insurge Andry Rajoelina, dont les partisans dénoncent une « pression abusive ». « Nous voulons des pays étrangers en tant que partenaires et non pas en tant que directeurs de la politique malgache », indique Mamy Rakotoarivelo, issu de la mouvance Ravalomanana. La presse pro-régime s’est déchainée contre la France et ses alliés. Le SeFaFi considère que la communauté internationale oblige Madagascar à commettre « d’autres irrégularités ». « Si Madagascar a mis quatre ans pour organiser des élections, et que l’on parle à nouveau de les reporter, c’est bien parce que la classe politique unanime n’en veut pas », conclut l’Observatoire.

Le gouvernement prépare un projet de loi qui remet en cause le « triumvirat » appelé à gérer la Transition après la démission d’Andry Rajoelina. La HCC, saisie pour avis, a déclaré que la feuille de route, très peu explicite sur le sujet à la différence de la Constitution, sert de cadre de référence pour l’élaboration de la loi régissant la vacance de la présidence. Le gouvernement explique que compte tenu de l’urgence, il se trouve dans l’obligation de faire usage de son droit d’initiative pour l’élaboration d’un projet de loi. Il a décidé dans un premier temps, avant de se rétracter, de faire exercer les fonctions du chef de l’Etat collégialement par ses membres, tous élevés au rang de chefs d’État, bénéficiant tous des droits et avantages reconnus aux anciens chefs d’institution. Le projet initial stipulait que « toutes les décisions du gouvernement sont signées par tous les membres en tant que chefs d’État sous peine de nullité ». Et d’expliquer que « cette option assure la représentation de tous les signataires de la feuille de route dans la conduite de la politique de l’Etat. La collégialité permet également de garantir la neutralité, l’inclusivité et la consensualité du processus décisionnel de l’Etat, surtout dans un contexte électoral ». Le projet adopté en conseil des ministres prévoit en définitive une prise de décision à la majorité des membres du gouvernement présents et non plus à l’unanimité. L’exécutif choisit de conserver le rang protocolaire des membres du gouvernement actuellement en vigueur. Le texte a été transmis au congrès, qui doit l’examiner en procédure d’urgence.

Le gouvernement ignore ainsi la Constitution adoptée en 2010, dont la non-reconnaissance internationale a été officialisée récemment par Leonardo Simao. La Loi fondamentale prévoit en effet la constitution d’un triumvirat composé du premier ministre et des présidents des deux chambres pour assurer les fonctions du chef de l’État après la démission du président de la Transition. Le projet écarte de fait Mamy Rakotoarivelo, président du Congrès, issu de la mouvance Ravalomanana. Il met fin aux tentatives de certains membres du CST d’écarter Dolin Rasolosoa, président de l’institution, candidat à la présidentielle mais qui ne veut pas quitter la présidence de la Chambre haute « jusqu’à nouvel ordre ». En cas d’adoption, le candidat Rajoelina pourrait ainsi être assuré de conserver la maîtrise de la Transition, avec la présence des ministres acquis à sa cause au sein du gouvernement.

Après quelques semaines de bras de fer, 23 membres du CST, appartenant au quota du président de la Transition, du parti TGV et de la plateforme UDR-C, ont été limogés. 25 nouvelles personnalités les remplacent. « Les remplacements concernent uniquement les membres qui bloquent le bon fonctionnement des travaux au sein de cette chambre », affirme le SG adjoint de l’UDR-C. La plupart des ceux qui ont été démis ont fait les frais de leur nouvelle orientation politique ou encore de leur prise de position concernant l’éviction de Dolin Rasolosoa, président du CST. Des membres de la chambre haute qui se sont rangés derrière des candidats autres qu’Andry Rajoelina ont également été sanctionnés, particulièrement des dissidents de la mouvance Ravalomanana qui se sont rangés aux côtés d’un autre candidat. C'est la majorité au sein du CST qui est en jeu à travers ce nouveau bras de fer. En perdant la fidélité de ses anciens « amis », le camp Rajoelina risquait de ne plus avoir la mainmise sur le vote des lois comme celle relative à la vacance de la présidence qui doit venir en discussion.

Le FFKM annonce qu’il organisera un sommet entre les trois anciens chefs d’Etat et Andry Rajoelina. Pour les Eglises, cette rencontre est la suite logique de la consultation des forces vives que l'institution œcuménique a organisé du 3 au 5 mai. Aucune date ni aucun lieu n’ont été avancés. Ce sommet pourrait être organisé à Madagascar à condition que Marc Ravalomanana soit autorisé à rentrer d’exil. Ce dernier exige, tout comme Didier Ratsiraka, qui soutient également ce projet, que le sommet se tienne dans la capitale. Une source proche du président de la Transition indique cependant qu'il n'est pas envisageable que Marc Ravalomanana soit autorisé à revenir au pays, même dans le cadre de négociations de sortie de crise. Les observateurs se montrent sceptiques quant aux chances de réussite de cette initiative. La société est à la dérive et les actes de justice populaire qui se généralisent sont le signe de la déliquescence de l’État. Le pardon et la réconciliation prônés par les Eglises ne répondraient pas à l’urgence du moment.

Le chargé d’affaires allemand redoute les effets géopolitiques de la crise malgache. Il déclare notamment : « Je déplore le fait que, ici, on croit que le monde s’arrête aux frontières de Madagascar alors que nous vivons de plus en plus dans un monde interdépendant. Madagascar a une responsabilité envers ses voisins et toute la sous-région. Or, je crains que si cette situation continue, Madagascar devienne un État failli. (…) Si Madagascar tombe dans ce trou, il y a un risque de déstabilisation de toute la sous-région et de quelques États qui marchent actuellement ». Le conseiller de l’ambassade des Etats-Unis se déclare profondément inquiet. L’Europe rejette toute idée d’ingérence dans les affaires politiques malgaches, déclare l’ambassadeur de l’UE, tout en indiquant que « chaque décision prise par la classe politique malgache a ses propres implications » notamment sur la relation de Madagascar avec ses partenaires internationaux.

Madagascar risque de ne pas bénéficier de l’aide au développement de l’UE dans le cadre du 11ème FED. Pour mémoire, la mise en œuvre du 10ème FED a été suspendue en juin 2010. La Banque mondiale s’est livrée à une comptabilisation des coûts de l’impasse politique. La crise prolongée a prélevé un lourd tribut sur l’économie et la population, en particulier sur les couches les plus vulnérables. La note décrit dans le détail les graves conséquences de l’inaction politique. Des années de développement socio-économique ont été perdues.

Les financements nécessaires pour mener la campagne antiacridienne tardent. Les fonds d'urgence gouvernementaux  promis ne sont pas encore disponibles. Dans l’attente, un plan d’action a été mis au point. Le ministère des Finances rappelle qu’il appartient au Bureau national de gestion des risques et catastrophes de prendre ses responsabilités et de solliciter le déblocage des fonds promis le 29 mai. Le décaissement des 5 millions de dollars de la Banque mondiale devra attendre la tenue du scrutin présidentiel.

 

SOMMAIRE

LA CRISE POLITIQUE

  • Préparatifs électoraux, amnistie, candidatures à la présidentielle

            - Préparatifs techniques
            - Mise en œuvre de l’amnistie
            - L’impasse provoquée par les décisions contestées de la Cour électoral

  • La SADC, l'UA et l'UE face à la nouvelle donne électorale, diplomatie, coopération

DROITS HUMAINS - GOUVERNANCE

  • Droits des femmes, enfance, éducation
  • Santé
  • Insécurité
  • Justice, gouvernance
  • Médias

ECONOMIE - SOCIAL - ENVIRONNEMENT

  • Exploitation des ressources minières
  • Trafics de bois précieux
  • Environnement, calamités
  • Divers

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