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JUSTICE ET DROITS DE L'HOMME à MADAGASCAR
31 mars 2014

REVUE DE PRESSE - MARS 2014

Le nouveau pouvoir n’est pas encore parvenu à s’imposer : le nouveau gouvernement n’est pas nommé, un conflit se cristallise avec la présidente de l’assemblée nationale. La communauté internationale pose ses conditions.

Plus de deux mois après son investiture, le président Hery Rajaonarimampianina n’est pas parvenu à désigner son premier ministre et à former un nouveau gouvernement. Les tractations entre les tenants de la plateforme de soutien à Andry Rajoelina, le Mapar, et les représentants de la plateforme présidentielle (PMP) se sont poursuivies durant toute la période, sur fond de débats juridiques portant sur la majorité habilitée à présenter des candidats au poste de chef de gouvernement. Au fil du temps, des députés du Mapar ont rejoint les rangs de la PMP, permettant l’émergence d’une majorité absolue favorable à la désignation d’un candidat premier ministre par les tenants du pouvoir. La position du Mapar, qui revendiquait la nomination de Haja Resampa s’en est trouvée fragilisée. Le candidat du pouvoir, Roland Jules Etienne, est paru un moment encore en « pole position » mais le suspens se prolonge, sans que l’on sache très exactement comment évoluent les négociations. Le Mapar aurait présenté tout récemment une nouvelle liste de premiers ministrables qui ne contiendrait plus le nom de Haja Resampa. La Gazette fait valoir que la pression exercée par la présidence sur les financiers sur Mapar a commencé à porter ses fruits.

L’impatience se fait sentir, tant en interne qu’au niveau de la communauté internationale. L’ancienne équipe gouvernementale demeure en fonction, avec en son sein des ministres placés dans le collimateur du Bianco pour des faits de corruption et de trafics de bois précieux. Les ministères assurent la gestion des affaires courantes, bien que le premier ministre actuel, Jean Omer Beriziky, se soit vu renouvelée la confiance du président en partance pour la première tournée diplomatique de son quinquennat.

La HCC, dans sa nouvelle composition plus favorable au régime (les trois membres du quota présidentiel ont été remplacés), a annulé l’élection de la présidente de l’assemblée nationale et du bureau permanent, postes qui avaient été accaparés par le Mapar. Motif : le règlement intérieur appliqué pour ces scrutins n’a pas été soumis au contrôle de la HCC avant son application. La Cour répondait ainsi à la quarantaine de députés de la PMP qui avaient déposé une requête en annulation pour non-conformité à la Constitution. De nouvelles élections devront être organisées. La présidente de l’assemblée nationale, ancienne ministre de la justice de la Transition, Christine Razanamahasoa, a réagi avec vigueur à cette décision. Elle déclare s’opposer à toute tentative de dissolution du bureau permanent et dénonce un complot sexiste. Elle se dit préoccupée par l’ingérence de l’exécutif dans les affaires du pouvoir législatif. La présidente de l’assemblée nationale et le président de la République se sont cependant rencontrés tout récemment et auraient décidé de jouer la carte de l’apaisement, tant sur cette question du bureau permanent de l’assemblée que sur celle de la nomination du premier ministre.

Le président Hery Rajaonarimampianina a entrepris un périple diplomatique passant par Washington, New-York et Paris. Il a rencontré à cette occasion les responsables des grla nation 22 03andes institutions (Banque mondiale, FMI, PNUD, SFI…) avec pour objectif un déblocage rapide des aides des bailleurs de fonds suite au retour à l’ordre constitutionnel. Les observateurs s’interrogent sur les éventuelles conditionnalités qui seront imposées à la Grande île par ces institutions. Des rencontres ont également eu lieu avec des représentants du département d’Etat américain, avec pour perspective principale le retour de Madagascar dans l’AGOA. A Paris, une rencontre a eu lieu avec le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, ainsi qu’avec le SG de l’OIF, en préambule à la réintégration de Madagascar décidée peu après. Pour certains observateurs, le bilan de ce déplacement est mitigé, il a été jugé prématuré, en l’absence de mise en place d’un gouvernement crédible susceptible de traiter les dossiers techniques avec les bailleurs de fonds. Le chef de l’Etat doit à nouveau quitter le pays pour se rendre début avril à Bruxelles, invité au sommet UE-Afrique, au cours duquel il pourrait rencontrer le président Français, François Hollande. La presse se demande si ce périple diplomatique destiné à conquérir une légitimité internationale n’avait pas également pour objectif de rechercher un appui pour la désignation d’un nouveau premier ministre. Ses interlocuteurs n’ont pas manqué de s’enquérir de cette situation de blocage et de le presser à prendre sa décision.

Le GIC-M a tenu sa première séance post-électorale à Antananarivo, avec la participation remarquée du sous-secrétaire d’Etat adjoint américain pour les affaires Africaines. La réunion a été l'occasion de faire le point sur l'évolution de la situation, ainsi que de convenir des modalités de la poursuite de l'accompagnement e la Grande île par la communauté internationale. Le GIC-M deviendra le Groupe international de soutien (GIS-M), dont la vocation sera de coordonner les efforts de la communauté internationale en faveur du développement de Madagascar. Une conférence des donateurs est annoncée. Le rapport final met l'accent sur un certain nombre de points que la communauté internationale attend de voir pris en compte par le nouveau pouvoir : le développement équitable de toutes les régions du pays et la décentralisation, le parachèvement de la réconciliation nationale ( y compris le retour des exilés politiques et l'indemnisation des victimes des événements de la période 2002 et 2009), l’organisation des élections communales, le renforcement de l'autorité de l'État, la lutte contre la corruption, l'insécurité et la pauvreté, la promotion de l'État de droit, le renforcement de l'éducation et de la santé publique, la création d'un environnement propice aux investissements malgaches et étrangers. La mise en œuvre de la réconciliation nationale était également au centre des préoccupations d’une délégation américaine qui a rencontré le chef de l’Etat, à qui il est demandé de d’assurer la promotion des droits humains et de s’attaquer à la lutte contre la corruption et les trafics en tous genres. Les Etats-Unis maintiennent leur position : ils ne souhaitent pas voir siéger dans le prochain gouvernement les personnalités qui ont été compromises dans les atteintes à la démocratie et aux droits de l’homme du régime de Transition, lequel a été une nouvelle fois très sévèrement épinglé par le département d’Etat américain dans son rapport 2013.

Le nouveau président a esquissé son programme économique à Paris, à l’invitation d’Ubifrance, organisme de promotion du commerce extérieur français. Plus de 150 chefs d’entreprises et de nombreux cadres de la diaspora ont répondu à l’invitation. Le chef de l’Etat s’est livré à un véritable plaidoyer destiné à attirer les investisseurs. « Les bonnes intentions ne suffisent pas », a cependant lancé Anthony Bouthelier, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). « C’est le même discours partout, j’aimerais entendre ce qu’il va faire concrètement », a-t-il ajouté, en réponse aux promesses présidentielles. Un cabinet de conseil juridique et fiscal a estimé qu’au préalable « un très complexe, très nécessaire et très urgent travail doit être fait sur le système judiciaire malgache qui est déficient ». « L’Etat malgache n’assure pas ses fonctions régaliennes », a renchéri le président du CIAN. Tandis que le chef de l’Etat se démène pour séduire les bailleurs de fonds traditionnels et les investisseurs occidentaux, il est sollicité de toute part pour des offres de coopération et de partenariat public-privé émanant de pays émergeants, propositions alléchantes car exemptes de conditionnalités. Certains analystes redoutent que le pouvoir ne soit pas en mesure de négocier des contreparties équitables. La Chine est le premier pays à avoir dépêché officiellement un émissaire pour lier contact avec les nouvelles autorités, elle a annoncé une aide (officiellement) sans contrepartie et disponible immédiatement. Des proches d’Andry Rajoelina ne se sont pas privés de dénoncer le retour en force de «financements parallèles » dont l’ancien ministre des finances et du budget se serait fait une spécialité durant la période de Transition, pour compenser le retrait des bailleurs de fonds traditionnels.

Le président de la République a annoncé son intention, dans une interview sur TV5 Monde, d’amnistier les trafics perpétrés avant son investiture. Se déclarant déterminé à débusquer les corrompus et les corrupteurs évoqués par les journalistes, le chef de l’Etat a révélé qu’il est « prêt à passer l’éponge sur le passé ». « Par contre, il faut bannir l’impunité. Il y a des dossiers en cours qu’il faut traiter», a-t-il affirmé.

Le nouveau régime promet la mise en place d’un État de droit, mais l’insécurité continue de sévir. Des attaques meurtrières de dahalo sont régulièrement rapportées, terrorisant les populations dans certaines régions.

Le rapport annuel du département d’Etat américain sur les droits de l’homme s’attarde longuement sur la situation des employées de maison expatriées dans les pays du Golfe. Le ministère du travail et de la fonction publique est responsable de la réglementation des agences de placement et de l’approbation de l’émigration de chaque travailleur, rappelle-t-il, avant de dénoncer la complicité du ministère du travail dans la traite des personnes, par défaut de surveillance efficace de ces agences et en raison de son incapacité à protéger les victimes. Des trafics de main d’œuvre sont également dénoncés avec la Chine. Le syndicat autonome des inspecteurs du travail annonce préparer une convention sur les migrations professionnelles en partenariat avec l’organisation internationale pour les migrations.

Les trafics de bois de rose et d'or se poursuivent en dépit des intentions affichées par les autorités de faire preuve désormais de fermeté et de poursuivre les commanditaires jusqu’aux plus hauts niveaux. Les ONG s’interrogent sur la capacité du chef de l’Etat à éradiquer les réseaux maffieux ayant des ramifications internationales (Chine, pays de l’Est-Africain, Dubaï). Les exportations illicites d’or se poursuivent, mettant fréquemment en cause des indo-pakistanais (les karana). Cinq ministres de la période transitoire, encore en fonction, ainsi que trois secrétaires généraux sont dans le collimateur du Bianco.

La nation 20 03Les 350 véhicules 4x4 offerts à Camille Vital par un « généreux donateur » pour sa campagne électorale ont été remis à la présidence de la République, qui doit décider de leur affectation. « L’objectif est de servir avant tout l’Etat malgache, pour le développement et l’intérêt du pays », affirme un conseiller de la présidence. Il était prévu initialement qu’après leur utilisation durant la campagne électorale de Camille Vital ces véhicules soient remis aux forces de l’ordre. Le sponsor du candidat serait China Sonangol, société chinoise partenaire d’une compagnie pétrolière angolaise. Le principal interlocuteur des Chinois dans cette affaire aurait été Mamy Ratovomalala, ancien ministre des mines puis DG de la présidence avant de devenir directeur de campagne du candidat. La presse s’interroge sur les possibles contreparties accordées par le pouvoir au conglomérat. Suspectes de blanchiment d’argent par le Samifin, ces véhicules ne le sont plus, constate Tribune. Les pourparlers en vue d’une coopération avec le conglomérat ont débuté en 2010, sous la responsabilité du ministre des finances  d’Andry Rajoelina, Hery Rajaonarimampianina. C’est à tort que Camille Vital se serait attribué le bénéfice de ces dons, affirme le conseiller de la présidence. La presse remarque qu’il est de notoriété publique que la Chine agit en Afrique principalement par l’intermédiaire de la China International Fund Limited (CIF) et de la Sonangol.

Après une première tentative ratée en 2006 puis en 2009, la direction générale des impôts a repris sa croisade contre les ventes sans factures, suscitant de très vives réactions chez les commerçants. L’État s’est enfin rendu compte de l’immensité du manque à gagner, note L’Express. A Madagascar, le taux de pression fiscale figure parmi les moins élevés du continent : il se situe autour de 10% du PIB selon les données de la Banque mondiale. La collecte des impôts est fortement inégale et l’évasion fiscale généralisée. La prédominance de l’économie non bancarisée explique que 40% du PIB officiel ne soit pas soumis à l’impôt car il évolue en dehors des circuits de l’économie formelle. De plus, et selon un rapport de l’Instat, le nombre de personnes travaillant dans le secteur informel a augmenté de 20% au cours des 5 années de crise politique. La proportion de personnes relevant de l’informel atteint actuellement 80%, contre 60% en 2008. 336.000 emplois salariés ont été perdus depuis le début de la crise et ce chiffre ne cesse de progresser.

La monnaie nationale poursuit sa dépréciation. Un économiste membre de la société civile évoque la possibilité que l’Ariary poursuive sa dépréciation et que celle-ci atteigne 20%, voire 35% par rapport à son niveau de décembre 2013. « Cela dépendra de notre capacité de négociation », affirme-t-il. Il appuie son argumentation par les conditionnalités que pourrait imposer le FMI lorsque les négociations avec le nouveau pouvoir débuteront. La dévaluation de l’Ariary à un niveau techniquement acceptable n’est pas une option : c’est une des conditions essentielles au redémarrage de l’économie, estime-t-on. La dégradation continuelle de la monnaie malgache vient sonner comme un rappel douloureux de la difficulté de Madagascar à assumer son indépendance et son développement, écrit Les Nouvelles.

 

SOMMAIRE

LA CRISE POLITIQUE

  • Dans l’attente de la désignation du nouveau premier ministre
  • Recomposition politique, opposition, assemblée nationale, HCC
  • Prise de fonction et premiers pas du nouveau président
  • Diplomatie, coopération
  • Divers

DROITS HUMAINS - GOUVERNANCE

  • Pauvreté, atteinte des OMD
  • Santé publique, handicap
  • Gouvernance, insécurité, forces armées, justice, amnistie
  • Droits des femmes et des enfants, esclavage moderne

ÉCONOMIE - SOCIAL - ENVIRONNEMENT

  • Ressources minières et halieutiques
  • Filière bois de rose
  • Environnement
  • Bailleurs de fonds
  • Affaires et politique
  • Divers

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